"Arrêtez d'imaginer que vous êtes" par Nisargadatta Maharaj



«Si le monde était réel, il pourrait exister un moyen, une sorte de traitement [pour atteindre la béatitude], mais le monde étant irréel, tout ce que vous pourrez faire ne servirait à rien. Malgré tous vos efforts, vous ne distinguez qu’un chaos généralisé et vous ne pouvez pas l’arrêter, car il est dans un continuel état de flux. Cet ensemble n’est pas réel. Après avoir écouté ces entretiens avez-vous acquis et mis en réserve un nouveau savoir ou au contraire celui que vous possédiez s’est-il dissous ? La vraie connaissance, la réalisation, ne peut se produire que lorsque tous les concepts possibles ont été abandonnés et elle ne peut venir que de l’intérieur de vous.
Je ressens les choses de la vie tout comme vous. La différence se trouve dans ce que je ne ressens pas. Je n’éprouve ni peur, ni envie, ni haine, ni colère, je ne demande rien, je ne refuse rien, je ne conserve rien. Sur ces questions je ne transige pas. Peut-être est-ce la différence la plus marquante qu’il y ait entre nous. Je n’accepte pas de compromission, je suis sincère avec moi-même, alors que vous avez peur de la Réalité. Ce qui est important, ce n’est pas ce que vous faites, mais ce que vous cessez de faire.
Les gens qui entament leur cheminement spirituel sont tellement fiévreux et agités qu’il faut les tenir très occupés pour les maintenir dans la voie. Une routine absorbante leur est excellente. Avec le temps, ils se calment et abandonnent l’effort. La peau du “je” se dissout dans la paix et le silence, et l’intérieur et l’extérieur deviennent un. Il n’y a pas d’effort dans la vraie vie spirituelle. Au lieu d’attendre une réponse à votre question, cherchez plutôt qui pose la question, et ce qui l’incite à la poser. Très vite vous découvrirez que c’est le mental aiguillonné par la crainte de la douleur qui pose la question. Et dans la peur vous trouvez la mémoire et l’anticipation, le passé et l’avenir. L’attention vous ramène dans le présent, le maintenant, et la présence dans le maintenant est un état qui est toujours à portée de la main mais que l’on remarque rarement.
Avec un bon maître, le disciple apprend à apprendre, et non à se rappeler et à obéir. Satsang, la compagnie des sages, ne forme pas, elle libère. Méfiez-vous de tout ce qui vous rend dépendant. La plupart de ces prétendus “abandons au guru” se terminent dans le désappointement, sinon dans la tragédie. Heureusement, le chercheur sérieux se dégage à temps, rendu plus sage par son expérience.
La réalisation, c’est réaliser le fait que vous n’êtes pas une personne. Ce ne peut donc pas être le devoir de la personne dont la destinée est de disparaître. La destinée est le devoir de celui qui s’imagine être une personne. Découvrez qui il est et la personne imaginée se dissoudra. La liberté est toujours de quelque chose. De quoi serez-vous libéré ? Il est clair qu’il faut que vous vous libériez de la personne que vous prenez pour vous, car c’est l’idée que vous avez de vous-même qui vous retient dans les liens.
Si vous connaissez ce que vous enseignez, vous pouvez enseigner ce que vous connaissez. Ici, la vision et l’enseignement ne font qu’un. Mais la Réalité absolue est au-delà des deux. Le guru qui s’arroge ce titre parle de maturation et d’effort, de mérite et d’accomplissement, de destinée et de grâce ; ce ne sont que les formations et les projections mentales d’un esprit intoxiqué. Au lieu d’aide, ce sont des empêchements.
Ne faites confiance à personne jusqu’à ce que vous soyez convaincu. Le vrai guru ne vous humiliera jamais, pas plus qu’il ne vous détachera de vous-même. Il vous ramènera constamment à votre perfection inhérente et il vous encouragera à chercher en vous, à l’intérieur. Il sait que vous n’avez besoin de rien, pas même de lui, et il ne se fatigue jamais de vous le rappeler. Mais celui qui s’est lui-même instigué guru s’intéresse plus à lui-même qu’à ses disciples.
Dans la vie, on ne peut rien obtenir sans surmonter des obstacles. Les obstacles qui s’opposent à une claire perception de son être véritable sont le désir du plaisir et la peur de la souffrance. L’obstacle, c’est la motivation plaisir-douleur. L’état naturel est l’état où nous sommes libérés de toute motivation, où aucun désir ne se manifeste.
[Dieu vient dans une forme] en accord avec vos espérances. S’il vous arrive d’être malheureux et que quelque âme sainte vous donne un mantra pour vous porter chance, et que vous le répétiez avec foi et dévotion, votre chance tournera presque certainement. Une foi solide est plus forte que le destin. La destinée n’est que le résultat de causes, accidentelles pour la plupart ; elle n’est donc tissée que d’une manière très lâche. La confiance et une espérance juste la surmonteront aisément.
Je ne vous demande pas de cesser d’être, cela, vous ne le pouvez pas. Je vous demande simplement d’arrêter d’imaginer que vous êtes né, que vous avez eu des parents, que vous êtes un corps, que vous mourrez, etc. Essayez, faites un pas. Ce n’est pas si difficile que vous le croyez.
Renoncez à toutes les questions sauf une : “Qui suis-je?” Après tout, le seul fait dont vous soyez sûr c’est d’être. Le “je suis” est une certitude, le “je suis ceci” n’en est pas une. Luttez pour trouver ce que vous êtes réellement.»




Nisargadatta Maharaj

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